La communication participative

Les media communautaires font désormais partie du paysage révolutionnaire bolivarien. Issus d’une longue tradition de clandestinité, ces media se sont développés en réaction aux mensonges et calomnies délivrés par les media commerciaux. Fer de lance d’une nouvelle communication, ils ont un rôle central au sein de l’organisation populaire.

Au coeur des tours de Caricuao, dans le sud-ouest de Caracas, une voix s’échappe de tous les transistors allumés dans cette zone : « Vous écoutez Radio Perola, 92.3 FM, la radio de la communauté ! »

Radio Perola est un des nombreux media communautaires que compte le Venezuela bolivarien. Créés par la communauté d’un quartier, pour la communauté, ils se veulent une alternative au système médiatique dominant. Les grands groupes médiatiques ont imposé au fil des décennies une représentation sociale de la réalité vénézuelienne qui tranche radicalement avec la vie quotidienne de la grande majorité du pays. De beaux modèles blancs apparaissent sur les écrans de télévision vantant les mérites de la société de consommation, et les émissions de radios diffusent les derniers tubes à la mode dans le monde occidental.
Ces media, qui représentent la partie du Venezuela dont les yeux et le cœur sont plus tournés vers le grand voisin du Nord que sur les problèmes nationaux, ont participé en tant qu’acteur politique à toutes les tentatives de déstabilisation du gouvernement bolivarien.


Si certains media communautaires ont une longue tradition d’émission, bien souvent dans la clandestinité, beaucoup d’entre eux sont nés ou se sont renforcés à la suite de ces manœuvres antidémocratiques de l’opposition vénézuélienne.

« Notre Radio a surgi d’une inquiétude. Une inquiétude par rapport au cercle médiatique commercial qui organisait une désinformation terrible ; non seulement contre le gouvernement mais aussi contre les communautés populaires dont nous faisons partie » nous explique Carlos, coordinateur de la Radio alternative Negro Primero, dont l’émetteur est installé sur les hauteurs de Sarria, dans le centre de Caracas.

Les media communautaires naquirent donc par la volonté du Peuple d’inventer un autre outil de communication, un moyen qui les représente tant par les sujets qu il traite que par les personnes chargées de réaliser ce travail. L’État a favorisé cet essor en ouvrant les canaux hertziens à ces nouveaux venus dans le paysage audiovisuel vénézuélien.


Fin mai 2005, le Venezuela bolivarien comptait plus de 120 organes alternatifs de presse et 472 télévisions ou radios communautaires dans tout le pays. Pour obtenir l’habilitation délivrée par la COmmission NAtionale des TELécommunications (CONATEL), les media audiovisuels doivent présenter un dossier composé autour d un dossier répondant à trois critères : un critère technique pour prouver leur capacité à émettre, un critère économique démontrant leurs recherches de financement pour être indépendant de l’État, et un critère social pour exposant leur projet pour la communauté où ils sont implantés et les liens que le medium entend tisser avec les organisations populaires.

Les media communautaires se sont regroupés au sein de l’Association Nationale des Media Communautaires, Alternatifs et Libres (ANMCLA) pour articuler le développement d’un système de communication alternatif, coordonner leurs actions, et faire face ensemble aux problèmes posés par les administrations.

Un media participatif

Plus qu’un simple outil de transmission, le medium communautaire est l’épicentre de communication de la communauté. C’est un outil pour se parler, pour échanger, pour informer au sujet des initiatives prises par les organisations de base.

Les comités de terres ou de santé, les cercles bolivarien ou les Unité de Bataille Endogènes, les enfants des écoles investissent ce lieu commun et s’emparent de la parole pour expliquer leurs actions, leurs projets, et inviter tout à chacun à s’impliquer davantage dans la transformation que vit chaque quartier populaire vénézuélien.
Carlos Carles, membre fondateur de la Radio Perola nous informe que « les personnes des différentes Missions, Barrio Adentro, Sucre, Ribas… ont une tranche horaire à la radio, pour expliquer comment ils fonctionnent, rappeler aux gens l’existence de ces missions et faire part des avancées réalisées. »

La radio est un espace participatif au sein duquel se recompose le tissu social de la communauté. Elaboré par des membres de la communauté, il sert les intérêts de celle-ci. Dans le local de Radio Perola, on s’active en vue de la prochaine campagne d obtention de papiers d identité, prélude nécessaire a l exercice d une pleine citoyenneté. Différentes émissions ont préparé les habitants à se munir de tous les papiers nécessaires en vue d’obtenir leur carte d’identité. Le local de la radio sera le siège de cette opération administrative.
Lieu de vie et d’échange, le medium communautaire s’inscrit dans la géographie du quartier comme l’émetteur de l’énergie populaire.
Devant un ordinateur de la Radio Negro Primero, Manuel, 12 ans paraît fort occupé. « Je viens après l’école, ou quand je n’ai pas cours. Je viens pour aider mon oncle, et des fois nous faisons des reportages dans la communauté. On en a fait un sur les droits des enfants la semaine dernière. J’apprends à utiliser tout le matériel de la radio, c’est vraiment super !! »

Les différents media communautaires ouvrent régulièrement leurs portes à tous les petits Manuel de leur communauté. Des tranches horaires sont réservées à des émissions réalisées par les enfants des écoles. L’objectif est à la fois d’enseigner les techniques d’enregistrement et d’élaboration aux enfants, mais aussi de leur apprendre à s’emparer de la parole en public et à échanger en permanence avec les autres résidents.

Une nouvelle forme de communication

On a beaucoup entendu dire, dans les rangs de l’opposition, que les media communautaires, étaient des media chavistes aux ordres du gouvernement. En réalité, et pour éviter des querelles partisanes nuisibles à l’intérêt général, les participants aux media communautaires ne doivent appartenir à aucun parti politique ni à aucune Église. De même, ils ne peuvent occuper de haute fonction administrative. Aucun prosélytisme politique n’est accepté au sein de ces media.
Cette mise à distance de la politique et de la religion n’empêche pas l’inclusion du politique. Les problèmes du barrio sont traités au sein de la dynamique sociale de la communauté. Et si, bien souvent, les participants se déclarent en faveur du Président, c’est à titre individuel parce que le travail mené à la tête de l’État correspond au combat qu ils mènent dans leurs lieux de vie respectifs.
De manière générale, la communication est ici envisagée comme un échange. Échange d’idées, d’émotions, de projets, d’espérances,… Cette nouvelle communication doit avoir un objectif social bénéfique pour la communauté. Autrement dit, il ne s’agit pas seulement de relayer des projets, les media doivent s’impliquer dans la réalisation pratique de la transformation sociale.
Les media communautaires ouvrent un formidable espace communicationnel à l’intérieur duquel un autre monde est en cours de réalisation.