Juan Guaido reçu à l’Élysée: quel intérêt pour la France?


A la suite du premier ministre du
Royaume-Uni Boris Johnson, des eurodéputés de l’ultradroite espagnole VOX, et
du chancelier autrichien conservateur Sebastian Kurz, le président Emmanuel
Macron et la diplomatie française accueillent Juan Guaido. La question qui nous
interpelle surtout est de savoir en quoi cela défend les intérêts de la
France et des français, ou participe à l’influence de notre pays à
l’étranger?
Suite à l’autoproclamation de
Guaido, les entreprises françaises ont été sanctionnées et ne peuvent plus
commercer avec le Venezuela (à la différence des entreprises pétrolières des
USA, exemptées de sanctions par leur gouvernement). Pourquoi donc s’enfermer
dans un jusqu’au-boutisme idéologique qui pénalise nos industries ?
Des scandales de corruption ont
éclaboussé Guaido et son entourage comme l’ont révélé le très droitier journal PanAm Post (le 18 juin 2019), le propre représentant de Guaido en Colombie, Humberto Calderon Berti (le 30
novembre 2019) ou
encore plus récemment l’agence de presse Reuters (le 22 janvier 2020).
N’oublions pas non plus les liens avérés qui unissent Juan Guaido et ses proches au cartel narco-paramilitaire colombien Los Rastrojos. En quoi
recevoir un tel personnage contribue-t-il au rayonnement politique et culturel
de la France ?
Juan Guaido et son entourage
cherchent, de manière réitérée, à provoquer un conflit armé contre le Venezuela
dans le but de précipiter la chute du président Maduro. La
demande de recours au Traité Inter-américain d’Assistance Réciproque est un des
nombreux exemples de leur volonté d’embraser la région. Doit-on rappeler à notre
président que, depuis le 17 juillet 1980, la République française et celle du
Venezuela partage une frontière commune fixée par le méridien 62 degrés 48
minutes 50 secondes ?
Pourquoi donc dérouler le tapis rouge à une personne qui se targue d’amener le
feu et le sang aux portes de notre pays ?
Puisque Emmanuel Macron semble
vouloir, ces jours-ci, singer son prédécesseur Jacques Chirac, rappelons que
celui-ci avait eu le courage de se démarquer de la politique étrangère
états-unienne. La voix d’une France indépendante aurait pu contribuer au
dialogue au Venezuela et à la recherche de résolution de conflits politiques.
Au lieu de cela, la France persiste à soutenir de manière intransigeante
l’option la plus radicale de l’opposition, celle qui se refuse à tout dialogue,
et à toutes nouvelles élections.  Si pour Juan Guaido et son gang, ce fanatisme
politique est fort bien rémunéré, pas sûr en revanche qu’une telle politique
étrangère grandisse notre pays sur la scène internationale.
Au-delà des errements de notre diplomatie,
la tournée de Juan Guaido en Europe a surtout été motivée par les évolutions
politiques au Venezuela. Le 5 janvier 2020, un groupe de députés frondeurs de l’opposition a ravi le perchoir de l’Assemblée National à Juan Guaido. Mais c’est
surtout au sein de ses partisans qu’il a perdu le soutien dont il jouissait
encore un an auparavant. Lassés des promesses non tenues, écœurés par la
corruption de son entourage, de nombreux vénézuéliens antichavistes se sont détournés
de la « marque » Guaido.
L’album souvenir concocté lors de
ce voyage a pour but de montrer à ses partisans qu’il reste le leader incontesté
pour les pays qui soutiennent la tentative de putsch institutionnel. Pas sûr
que cela soit suffisant pour redorer son blason au sein de la population
antichaviste.
Qui plus est, le bilan de cette
tournée est absolument creux. Hormis les déclarations de soutien de principe, aucun
accord concret n’a émergé de ces multiples rencontres. Lors de sa rencontre
avec Boris Johnson, Juan Gaido a-t-il pu récupérer les 14 tonnes d’or vénézuélien séquestrés dans les coffres de la Bank of England depuis le 9 novembre 2018 ? Pourquoi
donc le flamboyant politicien vénézuélien n’a-t-il pas profité de son séjour à
Davos pour convaincre les dirigeants des nombreuses institutions financières présentes
de rendre les 5,47 milliards de dollars volés à la République bolivarienne du
Venezuela ? Mis à
part les sourires de rigueur, aucun dirigeant visité n’a modifié la position de
son pays après le passage de Guaido.
Pendant ce temps-là, les États-Unis
semblent prendre conscience que l’opération Guaido a échoué malgré le putsch
institutionnel manqué, et les cinq tentatives de coups d’État militaires qui ont émaillé
l’année 2019. Ils font
donc évoluer leur stratégie en tenant compte de la réalité de terrain, et des
nombreux soutiens dont dispose le président Maduro tant au Venezuela que sur l’échiquier
international. Si le blocus criminel contre le Venezuela se maintient, Washington
a tout de même légèrement infléchi certaines sanctions qu’ils maintiennent depuis décembre 2014. Des
organismes internationaux sont désormais autorisés par le Département du Trésor
à établir des transactions avec la Banque Centrale du Venezuela (BCV). C’est
une évolution par rapport à la politique d’embargo total promue par l’ancien
conseiller à la sécurité, John Bolton.
D’autres organismes liés à l’ONU
comme l’Unicef, ONU-Habitat, le Haut-Commissariat aux Réfugiés, l’Organisation pour
l’Alimentation et l’Agriculture, le Programme Alimentaire Mondial, et ceux liés
à la Croix Rouge et au Croissant Rouge pourront désormais réaliser des
transactions avec la Banque Centrale du Venezuela.
Certaines institutions financières,
et ce n’est pas anodin, sont aussi autorisées : le FMI, la Banque Mondiale, la
Banque Interaméricaine de Développement, la Corporación Andina de Fomento. Après
avoir délibérément saccagé l’économie du pays, comme l’a révélé récemment le sénateur républicain de Virgine Richard Black, les
États-Unis chercheraient-ils à pousser le Venezuela dans les griffes d’institutions financières qu’ils contrôlent ? Souvenons-nous en ce sens que Juan Guaido avait
« autoproclamé » de nouvelles autorités à la BCV en juillet 2019. Une direction fantoche qui pourrait endetter illégitimement le Venezuela au grand bénéfice du FMI ou de la Banque Mondiale.
Cette mesure intervient après que
le Venezuela ait attribué des cargaisons de pétrole à ses partenaires au sein
de joint-ventures, pour qu’ils commercialisent le brut à destination de l’Asie
et de l’Afrique. Cela concerne avant tout les entreprises étatsuniennes exemptées
de sanctions 
par leur gouvernement (Chevron, Haliburton, Schlumberger, Baker Hughes-General Electric
et Weatherford International). Le produit de la vente ne
tomberait pas sous le coup des sanctions si
celui-ci est utilisé pour rembourser les dettes que Pdvsa a contracté avec ses associés.
Au-delà des gesticulations de
Juan Guaido sur le vieux continent, un pragmatisme commercial, cher au président
Trump, semble se dessiner pour l’instant outre-Atlantique sans pour autant
diminuer la cruauté de la guerre livrée contre la Révolution bolivarienne sur les
fronts économique, militaire, institutionnel, diplomatique et médiatique.
Le futur du Venezuela se détermine
plus que jamais depuis le Venezuela. Au vu des évolutions politiques sur place, la position adoptée ces jours-ci par la France relève quasiment du
mystère scientifique…